Marie Arnoux, hydrogéologue

La hausse des températures annoncée pour ces prochaines décennies va modifier les rythmes habituels de l’approvisionnement en eau. Marie Arnoux, hydrogéologue au Centre de recherche sur l’environnement alpin (CREALP), explique comment ce réchauffement climatique risque d’impacter les sources et la nappe phréatique.

Actuellement, est-ce que la disponibilité en eau souffre déjà du changement climatique?

Il faudrait analyser les débits des sources sur une longue période pour répondre concrètement à cette question. En moyenne, la quantité de précipitations est restée stable cette dernière décennie, mais la température a augmenté. On observe des années qui peuvent présenter un déficit en eau, comme celle de 2022, avec une diminution de la quantité de neige combinée à un été sec et caniculaire.

 

Quelles seraient donc les conséquences d’un réchauffement à plus long terme?

Avec la hausse des températures, la neige sera moins abondante et fondra plus tôt qu’habituellement, et les étés seront plus secs. Ce décalage saisonnier va probablement devenir la norme. On va donc avoir moins d’eau à disposition pendant la période estivale, au moment où on en a le plus besoin. Le réchauffement accroît également le phénomène de l’évapotranspiration: une partie de l’eau qui pénètre dans la terre pour alimenter les sources retourne dans l’atmosphère par l’action des plantes.

 

Est-ce que les sources qui alimentent la plupart des ménages sédunois sont menacées de sécheresse?

Pour le savoir, il faudrait mesurer le débit et étudier le comportement de chaque source sur au moins une année, ce qui permettrait de prévoir leur évolution sur un demi-siècle. Chaque source est différente. Sa réaction dépend notamment de l’altitude et des caractéristiques du milieu rocheux dans lequel l’eau circule (aquifère). A ce stade, comme il n’y a pas d’études, on peut simplement avancer qu’il faut s’attendre à une diminution du débit des sources en été.

 

25% de l’eau potable de Sion provient de la nappe phréatique. Cette dernière sera-t-elle aussi impactée?

Le système de la nappe est complexe, il dépend de nombreux facteurs et a tendance à rester assez stable. Il va ainsi réagir lentement à un épisode de sécheresse. Mais on ne peut pas envisager la nappe comme une réserve d’eau, car elle est déjà très sollicitée, par l’agriculture notamment, et certains écosystèmes comme les zones humides ou les lacs ont besoin que le niveau d’eau dans la nappe ne s’abaisse pas trop. C’est pourquoi le pompage doit y être limité.

 

Les citoyens devraient-ils faire des économies d’eau potable pendant certaines périodes de l’année?

Cela me paraît essentiel et à la portée de chacun. Il n’est pas nécessaire d’attendre des restrictions pour réduire le gaspillage dans nos gestes quotidiens. Ne pas laisser couler l’eau inutilement, diminuer l’arrosage des pelouses et jardins, pailler son potager et récupérer l’eau de pluie, par exemple. En Valais, les gens sont encore peu sensibles à cette question et doivent s’habituer à l’idée que l’eau n’est pas inépuisable.

Mutualiser les eaux pour éviter la pénurie

Plus d’eau en hiver, moins en été. C’est, en résumé, la tendance qui pourrait s’installer sous l’influence du réchauffement climatique, avec un risque de pénurie pendant la période estivale. L’eau potable n’est pas stockable. Les périodes plus généreuses en précipitations ne peuvent donc pas compenser les périodes de sécheresse. En revanche, certaines régions et communes sont beaucoup plus riches en or bleu que d’autres. La Ville de Sion récupère déjà les surplus des communes de Savièse et d’Arbaz. À l’avenir, elle pourra compter sur une nouvelle structure, «la Régionale des eaux», dont le but est d’interconnecter les réseaux d’eaux de plusieurs communes afin que cette précieuse ressource soit mieux répartie entre les ménages du Valais central.